Dimanche d'éveil au judaïsme

Une invitation à réfléchir, agir et célébrer

Prendre conscience de la source juive de la foi chrétienne, telle est l’intention première d’une journée d’éveil ou de sensibilisation au judaïsme, fixée un dimanche pour des raisons religieuses et pratiques. La prise de conscience concernant les sources juives de notre foi est parfois inégale, il importe donc d’y attacher toute notre attention que ce soit dans la liturgie ou dans les prédications. Il est donc souhaitable que pour ce dimanche, une liturgie spéciale soit conçue, elle pourrait faire référence à la tradition juive, selon les textes du jour.
Ce dossier fournit quelques textes et quelques pistes pour s’informer, construire une célébration et réfléchir à des animations possibles dans le cadre d’un Dimanche d’éveil au judaïsme.

Quelques réflexions introductives

Le point central est de proclamer que « Jésus est juif ». Non pas qu’il l’était ; il l’est toujours. Le ressuscité qui siège à la droite du Père est juif. La tradition chrétienne a délaissé ce point d’origine au long des siècles, mais Jésus lui-même n’a jamais été chrétien.
En conséquence, ignorer que Jésus est juif, c’est d’une certaine manière porter atteinte à la personne de Jésus lui-même. C’est aussi maintenir ouverte la porte qui a laissé passer toute la mouvance anti-juive. Malheureusement, les premiers théologiens et certains responsables de l’Église ont donné eux-mêmes dans ce travers dramatique.

Le judaïsme est à la source du christianisme. Au début, la « voie » nouvelle est juive (cf. Actes 9,2 ; 18,25 ; 24,22) et ceci, durant des décennies. C’est lorsque l’on découvrira qu’à Antioche des Grecs invoquent le nom de Jésus, qu’on enverra Barnabas vérifier (Actes 11,19-26). Il ira alors chercher Paul à Tarse pour enseigner ces Grecs. Ensuite naîtront des églises en terre païenne dans le bassin méditerranéen. Dans le Nouveau Testament, en Actes 10,1 à 11,18 se trouve la charnière décisive qui ouvre sur l’accession des non-juifs à la foi chrétienne et au baptême : Pierre chez Corneille.

Rencontrer, écouter des Juifs, réfléchir et modifier son regard, tout cela rapproche en profondeur de Jésus, par delà les constructions dogmatiques postérieures. S’éveiller au judaïsme n’est ni la lubie de quelques-uns ni une manipulation institutionnelle1. C’est une démarche de vérité spirituelle, qui respecte Jésus, son message, sa culture et sa foi de Juif. Ainsi, organiser une journée d’information sur le judaïsme ou une célébration permet de mieux sensibiliser les fidèles chrétiens au judaïsme et aux liens profonds qui unissent ces deux religions.

Dès la fin des années 90, les communautés chrétiennes catholiques et protestantes proposent aux paroisses de célébrer un Dimanche d’éveil au judaïsme, au moment des fêtes juives d’automne2, temps fort pour la vie des communautés juives. Aujourd’hui, en fonction des calendriers paroissiaux, ce dimanche peut être placé à une autre date dans l’année, l’important étant de prendre en compte cette ouverture. La liturgie dominicale, par les lectures, la prédication ou l’homélie, les prières et les chants, peut devenir, pour les chrétiens, un temps privilégié pour mieux prendre conscience du lien toujours actuel qui les unit à leurs frères aînés. De fait, ce lien qui unit les chrétiens aux juifs, quelles que soient les différences qui les séparent, est au cœur de la foi chrétienne, à cause de Jésus le Juif.

1 Le Dimanche d’éveil au judaïsme est l'expression d'un choix théologique commun à l'UEPAL, la FPF et d'autres Églises de la Communion des Églises Européennes, un engagement sur le chemin de la réconciliation entre juifs et chrétiens.

2 En fonction des années, les grandes fêtes juives d’automne (Roch haChanah – le Nouvel An juif ; Yom Kippour – le Jour du Grand pardon ; Soukkot – la fête des tentes) se déroulent entre le mois de septembre et le mois d’octobre. En 2021, ces fêtes se situeront au mois de septembre ; en 2022, elles se dérouleront de fin septembre à la mi-octobre.

Aides à la préparation du culte et des animations...
Textes liturgiques

Chaque communauté, chaque responsable saura trouver la forme liturgique qui convient pour une célébration à l’occasion du Dimanche d’éveil au judaïsme. La liturgie « classique » d’un culte protestant peut convenir pour une telle célébration.
Une cérémonie commune, judaïsme – christianisme devra bien évidemment tenir compte de l’avis des différents partenaires quant au choix du déroulement liturgique et du contenu des textes utilisés.

Nous suggérons ici une liste d’une quarantaine de textes qui pourront vous être utiles.

Remarques :

  • La célébration chrétienne doit garder son identité « chrétienne », protestante ou catholique, tout en ouvrant à d’autres réflexions, d’autres perspectives. En clair, il n’est pas question ici de reproduire une célébration juive dans son ordre liturgique.
  • Une attention particulière devra être accordée à la prière d’intercession et les dangers d’une prière « pour les juifs » ou « pour la conversion des juifs ».
  •  Une liste de 35 chants vous est proposée à la fin du fichier de textes liturgiques. Beaucoup d’autres peuvent convenir, n’hésitez pas à nous les signaler.

Textes bibliques

La liste des textes bibliques à utiliser dans le cadre d’un dialogue judaïsme – christianisme ou lors d’une célébration est infinie. Voici quelques références qui peuvent être utilisées dans ce cadre.

  • Genèse 12,1-3
  • Exode 20,1-17
  • Lévitique 19,17-18 (et ses reprises dans le NT, Matthieu 22,39 ; Marc 12,31 ; Luc 10,27)
  • Deutéronome 6,1-9 et 11,13-21
  • Juges 6,14
  • Esaïe 2,1-5 ; 19,21-25 ; 40–45 ; 43,1-3 ; 54,2
  • Jérémie 9, 22-25 ; 31,31-34
  • Jonas 3
  • Michée 6, 3-4.8
  • Malachie 1,11
  • Les psaumes (source inépuisable dans une perspective de dialogue), par ex. : Ps 1 ; 22 ; 47 ; 66,8 ; 90 ; 91 ; 92 ; 119 ; 136
  • Évangile de Matthieu 1,1-17 ; 17,1-9 ; 21,23
  • Évangile de Luc 1–2 ; 2,46-47
  • Évangile de Jean 1,45 ; 5,46 ; 10,35
  • Actes des Apôtres 2,46-47 ; 3,1
  • Romains 15,4
  • 1 Corinthiens 13
  •  Galates 3 (en particulier 3,28)

N’hésitez pas à compléter cette liste en nous transmettant vos trouvailles et votre expérience.

Nous attirons l’attention des prédicateurs ou liturges sur le fait que certains passages bibliques peuvent être difficiles à interpréter dans le contexte d’une célébration commune (chrétiens – juifs), par exemple, certains passages des Lettres de Paul.

Prédication, message ou homélie

Il conviendra de replacer les passages bibliques utilisés dans leur contexte et à leur époque, et de saisir que le christianisme est une mouvance naissante au sein du judaïsme. On prendra conscience de cette manière, de ce que les écrits du Nouveau Testament baignent dans la culture juive, y compris là où ils s’écartent de l’orthodoxie des sages d’Israël ou rompent avec elles. On relèvera également les différences qui subsistent, au sein du judaïsme et du christianisme, dans la manière de se rapporter aux textes bibliques et de les interpréter.

La prédication ou le message pourra concerner :

  • l'enracinement du christianisme dans le judaïsme, les fondements communs
  • la lecture juive de passages bibliques et la lecture chrétienne de ces mêmes passages
  • la mise en avant de la judaïté de Jésus
  • la place de Jésus dans le christianisme
  • les attentes messianiques au tournant de notre ère
  • l’existence de plusieurs courants juifs au début de notre ère
  • les liens entre le judaïsme et le christianisme naissant
  • la lente séparation entre judaïsme et christianisme (liens de continuité et éléments de rupture)
  • la place de la Torah dans le judaïsme ; le rôle central du Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible hébraïque)
  • l’Ancien Testament en ses différentes versions dans le christianisme ; la Bible hébraïque ou Torah dans le judaïsme
  • la notion de Sola Scriptura
  • le Psautier et son utilisation dans les communautés juives et chrétiennes
  • la notion d’ « Écriture(s) » dans les écrits du Nouveau Testament
  • la manière de lire l’Ancien Testament en contexte chrétien (hier et aujourd’hui)
  • la notion de Dieu comme « Père » dans le judaïsme et le christianisme
  • la notion d’élection, d’alliance ; le respect des commandements
  • le thème de la mission et de la conversion
  • la théologie de la substitution
  • la Réforme protestante et ses hésitations vis-à-vis du judaïsme
  • les affinités ente judaïsme et protestantisme
  •  les avancées du dialogue judaïsme christianisme au XXe et XXIe s.


Événements, animations, réflexions à susciter...

Un Dimanche d’éveil au judaïsme peut prendre des formes très diverses. Il peut commencer ou finir par une célébration, mais chaque communauté (ou association) est libre d’organiser ce qu’elle souhaite, en fonction de son cadre ecclésial ou institutionnel et des bonnes volontés disponibles. Toutes sortes d’animations ou d’événements peuvent ainsi prendre place lors d’une telle journée. Voici quelques suggestions :

  • Imaginer des passerelles avec les communautés juives du secteur et les paroisses catholiques, protestantes ou d’autres communautés religieuses
  • Prendre pour thème de réflexion d’un groupe biblique ou théologique un des textes fondateurs du dialogue « judaïsme – christianisme » (par exemple, les « Dix points de Seelisberg », les « Douze points de Berlin », « Cette mémoire qui engage », « Parler de l’autre, regards croisés juifs et protestants »). Textes en téléchargement ici
  • Réfléchir aux différentes interprétations d’un texte biblique (ou d’un thème) en contexte juif ou chrétien. Mettre en place et partager cette réflexion à l’occasion d’une rencontre avec des membres d’une communauté juive locale, un rabbin ou une famille fidèle au judaïsme, ses institutions et pratiques
  • Réaliser une exposition sur le thème du dialogue « judaïsme – christianisme ». La liste des « textes fondateurs » (ici) pourra servir de base
  • Réaliser une présentation des objets religieux du judaïsme et de ses écrits fondateurs
  • Organiser une conférence ou un débat sur :
    o l’histoire du judaïsme en France ; son implantation et son développement en Alsace ;
    o l’architecture et le mobilier des synagogues,
    o l’Ancien Testament en ses différentes versions (Bible hébraïque, Septante, Pentateuque samaritain) ;
    o l’usage de l’Ancien Testament dans le Nouveau Testament, questions autour de l’intertextualité ; de l’usage des sources juives dans les Églises chrétiennes (hier et aujourd’hui) ;
    o la notion de « loi » dans le Nouveau Testament ;
    o la place des fêtes dans le calendrier liturgique ;
    o l’antijudaïsme, l’antisémitisme et ses racines, etc.
    o les avancées du dialogue « judaïsme – christianisme » au XXe et XXIe s. ;
    o la situation particulière du dialogue « judaïsme – christianisme » dans le dialogue interreligieux
  • Réaliser une étude comparative du calendrier des fêtes juives et des fêtes chrétiennes
  • Organiser une visite de la synagogue juive la plus proche ; se déplacer jusqu’à un bain rituel (miqvèh) ; présenter le rouleau de la Torah (séfer haTorah)
  • Organiser une visite commentée sur les traces du judaïsme dans le vieux Strasbourg
  • Organiser une visite au Musée Judéo-Alsacien de Bouxwiller, ou au Musée du patrimoine et du judaïsme alsacien de Marmoutier. Se rendre au Musée Alsacien de Strasbourg pour y observer les liens qui unissent vie religieuse et vie quotidienne dans l’Alsace traditionnelle.
  • Organiser une journée de formation au judaïsme (voir dossier en téléchargement)
  • Dans le domaine de la catéchèse : mener une réflexion sur les racines juives du christianisme ; interpeller les jeunes générations sur la question de l’antisémitisme ; mener une réflexion sur ces questions.

Remarques :

  • Certains sujets ou thèmes peuvent être conflictuels, nous suggérons de les éviter pour un Dimanche d’éveil au judaïsme.
  • En amont, une bonne communication sur les animations est absolument nécessaire pour donner vie localement à la mise en place d’un Dimanche d’éveil au judaïsme. Un matériel spécifique (comprenant des textes de réflexion, une carte de voeux et une affiche) peut être envoyé aux paroisses intéressées par le projet. Les affiches pourront être apposées dans les lieux communautaires ou associatifs ; les cartes de voeux pourront être envoyées à des amis juifs ou des responsables, notamment en vue de l’approche du Nouvel An juif. La communauté locale peut, de son côté, produire son propre matériel de communication pour annoncer le Dimanche d’éveil au judaïsme et les événements qu’elle organise. La communication locale est souvent plus efficace qu’une communication générale par la voie des institutions.
  • La date habituelle du Dimanche d’éveil au judaïsme est fixée entre la fête du Nouvel An juif (Roch haChanah) et le Jour du Grand pardon (Yom Kippour) pour les paroisses catholiques et protestantes. D’autres dates peuvent être choisies (par ex. avant ou après la Semaine de l’unité) en tenant compte des contraintes locales et du calendrier liturgique des communautés juives et chrétiennes. Il est aussi possible d’organiser le Dimanche d’éveil au judaïsme lors de la Journées Européennes de la Culture et du Patrimoine Juifs en France (JECPJF), le premier dimanche de septembre.

Aux sources du dialogue entre juifs et chrétiens : textes, liens, bibliographie


Ont collaboré à ce dossier :

Ce dossier a été préparé par les membres de la CPDJ (Commission protestante de dialogue avec le judaïsme – Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine), en particulier, Elisabeth Hertzog, Thierry Legrand, Théodore Stussi et Francis Dieny. Il tient compte également des travaux édités jadis par l’association « Étude du judaïsme » (B. Chavannes).

Contact CPDJ : Thierry Legrand, legrand.tf@orange.fr


 


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